Nous avons visité une maison individuelle pas comme les autres, celle de Monsieur et Madame Parrein à Saint Aubin le Guichard, qui recèle de nombreuses surprises. Nous vous invitons à les découvrir avec nous.
Le projet naît en 2011 et la construction démarre en 2014. Les objectifs et motivations étaient alors les suivants :
Atteindre un niveau BBC (50 kWhep/m²/an), alors plus ambitieux que la réglementation en vigueur
Maîtriser le coût de construction : inférieur à 1000€ HT/m² hors extérieur et VRD (Voirie et Réseaux Divers)
Utiliser autant que possible des matériaux écologiques
Limiter les COV (Composés Organiques Volatiles), nocifs pour la santé
Limiter les consommations en eau potable.
À l’origine du projet, les propriétaires souhaitaient une maison en ossature bois avec de grandes ouvertures au sud. Les plans ont été réalisés par un architecte, Jérémy Roth, parti depuis s’installer en région rennaise. L’ouvrage, en R+1 sur sous-sol, de forme rectangulaire, propose une surface habitable de 300 m². Les façades offrent de larges ouvertures au sud permettant les apports solaires en hiver ; des casquettes bien dimensionnées en maîtrisent les effets en été. La façade nord, elle, ne dispose que de très peu d’ouvertures.
Quatre dispositifs ont retenu notre attention : le système constructif des murs périphériques, la récupération de chaleur sous-toiture, le puits canadien ainsi que l’utilisation de l’eau pluviale.
Le système constructif des murs périphériques
Partant du principe que le transfert de calories se fait par conduction, rayonnement et par convection, Monsieur Parrein imagine alors plusieurs systèmes pour contrer ce phénomène. Le premier est l’utilisation de 2 membranes d’isolation mince multicouches qui, posées à l’intérieur et à l’extérieur du complexe, font barrière au phénomène de rayonnement. Ceci est couplé à un isolant traditionnel de 145 mm d’épaisseur permettant d’atteindre une résistance thermique de 5 m².K/W. De plus, la lame d’air située entre l’isolant traditionnel et l’isolant multicouche extérieur est ventilée mécaniquement avec de l’air issu d’un puits canadien. L’échange thermique ne se fait donc pas au contact direct de l’air extérieur mais avec de l’air à une température plus constante. Ainsi, l’hygrométrie est maîtrisée, garantissant des murs sains.
Le dispositif de chauffage retenu est, lui aussi, original
Le système de chauffage principal est assuré par un poêle à bois bûches de 7kW non continu. Celui-ci est associé à un dispositif de récupération de chaleur : le système de chauffage de pierres déjà utilisé par les Romains dans leurs constructions a été ici remis au goût du jour. Ainsi, 45 tonnes de galets ont été stockées au sous-sol dans un espace désormais fermé, mais ventilé par l’air chaud et où il a été au préalable prévu des sondes de températures. On imagine bien la tête du livreur de galets lorsqu’on lui a demandé de benner le tout au centre de la maison… Le tout récupéré dans un système double-flux pour être redistribué dans l’habitation.
Pour comprendre d’où vient l’air chaud, il faut aller voir les combles. Un conduit calorifugé reposant sur la panne haute récupère la chaleur entre le bac acier simple peau (de couleur noire extérieure), positionné dans le toit et l’OSB de la toiture. Cette chaleur est redirigée au sous-sol par un conduit vertical et réchauffe les 45 tonnes de galets. Elle est ensuite diffusée dans les pièces à vivre via un dispositif de VMC double-flux. La maison est truffée de capteurs qui permettent de mesurer toutes les températures aux différents endroits du bâtiment, y compris dans les épaisseurs d’isolant, dans la masse des galets, dans l’espace d’air entre bac acier et toiture, … afin de suivre le bon fonctionnement et l’évolution du système de chauffage. Par exemple, la température relevée sous toiture atteint régulièrement 50 à 60°.
Le puits canadien…
Le renouvellement d’air est assuré par une ventilation double-flux donc mais avec une arrivée d’air neuf provenant du puits canadien (ou des galets). L’air issu de ce puits est à une température peu fluctuante, autour de 12°. L’avantage est un préchauffage de l’air entrant en hiver et la possibilité d’avoir un air plus frais en été. Une solution économique et assez simple à mettre en œuvre.
L’utilisation des eaux pluviales
La capacité de stockage des eaux pluviales est de 11 000 litres, ce qui permet de couvrir amplement les besoins en période estivale. Aujourd’hui, 70% des consommations en eau de la maison sont issues de cette récupération. Les eaux pluviales sont utilisées pour divers usages : WC, lave-linge, lave-vaisselle et même la douche ! En effet, la production d’eau chaude sanitaire est produite par 2 ballons, l’un alimenté par le réseau de ville et l’autre par le réseau d’eau pluviale.
Conclusion :
Monsieur Parrein a pu déjà faire un bilan de son installation. Aux périodes les plus froides, les plus basses températures observées le matin dans la maison étaient de 16°C. Il y a bien une bonne montée en température de la cuve à galets, du milieu du printemps jusqu’à mi-octobre. Mais le système n’est pas encore optimal, car il est difficile de monter à plus de 25°C. En période de canicule, la maison reste assez fraîche (delta de 8 à 10 °C). La VMC double-flux n’est pas favorable au rafraîchissement puisque l’air puisé est à 15°C mais il se trouve réchauffé par l’air vicié ; une VMC avec un by-pass améliorerait significativement le dispositif. Il est également envisageable d’installer quelques panneaux photovoltaïques pour diminuer encore les consommations d’électricité. Donc, si l’apport de la cuve à galets n’a pas répondu à toutes les attentes, le système de ventilation des murs et le puits canadien sont efficients.
Malgré ses intentions premières d’utiliser des matériaux écologiques, M Parrein a dû se résoudre, pour des raisons de coût, à utiliser des matériaux plus traditionnels.
Après 2 ans d’habitation, les consommations s’élèvent à 20 kWhEF/m².an d’électricité et 4 à 5 stères de bois de chauffage. Le coût des travaux est estimé aux alentours de 1200 €/m², avec une partie des travaux réalisée par le propriétaire. C’est légèrement au-dessus de son objectif initial, mais en deçà des coûts de construction actuels (1500 à 2000 €/m²). Coup de chapeau à M. Parrein qui a mis en œuvre cette maison à la fois innovante et expérimentale. C’est un laboratoire d’idées qui permet de tester différents concepts grandeur nature. Nous saluons ce projet ambitieux permettant d’avancer dans le domaine de la maîtrise de l’énergie !